Wu HuiQing (吴会清)
(1869 - 1958)
Wu HuiQing, appelé également MuTing (穆亭), était un membre de la minorité de Hui et un héritier de la 5ème génération de Baji Quan. À l'âge de 13 ans, Wu HuiQing reconnut son oncle Wu Kai (吴恺) comme maître et il se forma simultanément au Baji Quan, au PiGua Quan (劈挂拳) et à l'épée de JiuGong ChunYang (九宫纯阳剑). Wu HuiQing qui était une force de la nature, possédait une force physique impressionnante et une stature de colosse : il dépassait 1,85 mètres de hauteur, pesait plus de 100 kg et avait des mains et des pieds incroyablement grands. Par ailleurs, il avait une voix forte et était craint par la majeure partie du village en raison de son tempérament explosif et sa sévérité. Son petit-fils, Wu LianZhi, se souvient encore que personne dans la famille Wu n'osait fumer ou boire de l'alcool dans la maison familiale en sa présence.
Débuts
Wu HuiQing dépassait les autres en bravoure, sagesse et intelligence. C'était un élève assidu et il atteinit rapidement un niveau extraordinaire dans la maîtrise des arts martiaux. Quotidiennement, excepté quand il pratiquait le ZhanZhuang (占庄, l'exercice postural) ou le DaZhuang (打庄, exercice de frappe sur poteau), il portait dans chaque main un pot de terre pesant plus de 30 kilogrammes chaque fois qu’il entrait ou sortait de sa maison. Après quelques années d'entraînement régulier, ses bras furent aussi durs que du fer. Wu HuiQing était également bien connu pour sa pratique de la "paume de fer" (铁巴掌, Tie Ba zhang), acquise en frappant des sacs de billes de fer et d'autres matières dures. A cette époque, il y avait un vieux temple dans le village de MengCun avec une énorme cloche que les gens faisaient habituellement sonner en utilisant une poutre en bois. Wu HuiQing, quant à lui, frappait la cloche chaque soirée avec sa paume, produisant ainsi un son vibrant qui pouvait être entendu à 2.5 km à la ronde. En conséquence, les villageois lui attribuèrent le surnom de "Wu HuiQing la paume de fer" (铁巴掌吴会清, Tie Ba zhang Wu HuiQing).
Un jour, les gens de MengCun reconstruisaient un pavillon consacré à la célébration de KuiXing (魁星, une divinité de la mythologie chinoise, dieu des examens et serviteur du dieu de la littérature). Le pavillon était fait de deux étages et devait accueillir une statue de KuiXing pesant 140 kg. Tout le monde s'inquiétait de la façon dont ils pourraient transporter la statue à l'étage supérieur. Quand WuHuiQing en entendit parler, il souleva la statue en la maintenant sous son bras et la monta au deuxième étage pour l'installer délicatement sur sa base: tout le monde s'écria "Shenli !" (神力, "quelle force surnaturelle!").
Les capacités de Wu HuiQing étaient fascinantes, mais elles ont furent acquises par un dur labeur : chaque jour, Wu HuiQing sortait vers minuit pour pratiquer. Wu HuiQing se rendit compte que la force devait venir de l'ensemble du corps, et il décida à une époque que son cou devait être renforcé. Un jour, il attacha une corde au moulin de la ferme et parvint à se pendre au faîte du toit. Pour une raison inconnue, il ne parvient plus à bouger ses bras, il se mit alors à donner des coups de pied au mur pour alerter sa famille. Ses disciples et sa belle-fille qui étaient dans la grande salle de la ferme entendirent le bruit et se précipitèrent pour le délivrer. Ils s'empressèrent de lui demander s'il souffrait de quelques problèmes sentimentaux et Wu HuiQing marmonna honteusement que son intention initiale était de pratiquer un exercice de renforcement...
Wu HuiQing a pendant toute sa vie considéré le mal comme un ennemi et il avait un sens profond de la justice. À cette époque, le gouvernement de la dynastie Qing avait un bureau d'inspection et de contrôle à MengCun. Quand les gens appelaient le bureau du gouvernement, les fonctionnaires procédaient à des inspections dans la région de MengCun, collectaient des taxes et procédaient à des poursuites pénales et civiles, notamment à l’encontre de personnes indigentes de nationalité Hui et Han qui vendaient illégalement du sel détaxé pour leur subsistance. Historiquement, le commerce du sel dans la Chine antique était strictement réservé aux fonctionnaires gouvernementaux, et il ne pouvait faire l'objet de revenu privé. Bien que les employés gouvernementaux pratiquaient ainsi un commerce sans concurrence, ils escroquaient régulièrement les villageois et pratiquaient l'usure, suscitant une fureur silencieuse et réprimée chez les gens de la campagne. Quand Wu HuiQing entendit parler de ces faits, il s'introduisit nuitamment dans le bureau gouvernemental et emporta les vêtements et autres objets quotidiens appartenant au chef du bureau. Le haut fonctionnaire se sentent intouchable, intensifia au contraire ses mauvais actes, offensant délibérément Wu HuiQing et les villageois, de sorte qu'un jour, Wu HuiQing, ses disciples et quelques personnes locales se regroupèrent et détruisirent le bureau du gouvernement, terrorisant les employés de l'État et les forçant à se sauver. Après cet événement, le bureau du gouvernement de MengCun fut officiellement fermé pendant près d'un siècle. Après la destruction du bureau, Wu HuiQing, craignant d'être arrêté, quitta MengCun. Après avoir erré pendant quelques temps au-delà de la région de ShanHaiGuan (山海关), au nord de la région de Hebei, il s’installa finalement dans la ville de Yingkou (营口) dans la province de Liaoning.
La vie à Yingkou
Un jour que Wu HuiQing travaillait en tant que maraîcher dans les rues de Yingkou, il aperçut soudainement un chariot qui dévalait la rue en trombe, tiré par un cheval et une mule devenus fous. Une dame âgée qui portait un petit enfant dans des ses bras et qui traversait la rue fut effrayée et laissa tomber l'enfant. Wu HuiQing voyant que le chariot se dirigeait dans la direction de l'enfant se rua sur le véhicule, coinça la roue du chariot avec un bâton et le projeta sur le côté, sauvant ainsi l'enfant. Le père de l'enfant, qui était le directeur d'une société d'exploitation minière, offrit ainsi à Wu HuiQing des taels d’argent en récompense et il lui mit également à disposition un endroit décent pour vivre dans la ville de Yingkou.
Après que Wu HuiQing ait commencé à s'établir à Yingkou, il utilisa l'argent que le directeur de mine lui avait offert pour démarrer une petite entreprise en tant que marchand ambulant. Après que quelques négociants de Cangzhou l'aient appris, ils commencèrent à parler de Wu HuiQing avec la ferveur de leur ville natale. Dans toutes les discussions, les gens indiquaient que Wu HuiQing savait que quelques brutes désœuvrées de Yingkou avaient formé une bande pour rançonner et intimider les négociants non-locaux, et que Wu HuiQing devait donc se méfier. Un jour, Wu HuiQing était occupé à ses affaires quand il vit arriver un groupe de brutes locales de livrant à différentes exactions. Quand Wu HuiQing se rendit compte que des personnes étaient menacées, il se précipita pour les protéger. Cette fois, il offensa une bande locale appelée "les tigres de DongBei", de sorte que celle-ci ordonna un combat pour asseoir leur suprématie. A la date choisie, dix membres principaux de la bande arrivèrent armés de couteaux et de triques, impatients d'en découdre avec Wu HuiQing. Ce dernier les combattit seul, avec un bâton de batelier et les fit tous voler dans les airs. Après cet épisode, le nom de Wu HuiQing devint célèbre à Yingkou et les négociants de la ville commencèrent à louer son habileté au combat et son sens de la justice. Plus de cent familles de propriétaires de magasin se regroupèrent pour payer un salaire mensuel d’une pièce d’argent chacune à Wu HuiQing en échange de ses services pour leur protection. Wu HuiQing se fit ainsi beaucoup d'amis de tous horizons. Plus tard, après avoir amassé une coquette somme d'argent, Wu WuiQing pensa que beaucoup d'années avaient passé depuis l'histoire du bureau du gouvernement à Mengcun, et qu’il souhaitait revoir les personnes de sa famille qui étaient maintenant avancées dans l'âge. Par ailleurs, il avait vécu longtemps seul et loin de chez lui et avait déjà presque 40 ans, et il pensa qu'il était temps de retourner dans sa ville natale.
De retour à MengCun
A l’époque où Wu HuiQing revint à MengCun, il y avait dans le village un établissement de spectacle appelé TongLeHui (同乐会). Il s'agissait d'un endroit construit par les cinq familles Wu, Ding, Jin, Zhang et Yang (吴、丁、金、张、杨) où les villageois pouvait se distraire (avec des spectacles de théâtre ou de musique traditionnelles), et qui était sur le point de faire faillite. Quand les personnes de TongLeHui entendirent que Wu HuiQing était de retour au village, elles l'invitèrent immédiatement à venir voir l’établissement. Quand Wu HuiQing vit l'entrée et la cour décrépite avec une dizaine de personnes sans ressources, il décida d'acheter la propriété de TongLeHui. Wu HuiQing acheta des costumes supplémentaires et relança la troupe de théâtre sous le nom du "Yi Sheng Gong" (义盛公, c.-à-d. "les justes"), afin d'offrir des programmes théâtraux mais surtout de l'opéra acrobatique martial. Les spectacles martiaux comportaient de véritables scènes d'action, notamment des combats de Baji Quan à mains nues et avec des bâtons, ainsi que des lancers de fléchettes. Cette troupe eut à l’époque beaucoup de succès et fut chaudement acclamée par le public.
WuHuiQing combinait arts martiaux et art dramatique de sorte qu'il était parvenu à développer l'héritage traditionnel de ses ancêtres. Comme la troupe de YiShengGong montrait au public de véritables spectacles d'arts martiaux de haut niveau, sa réputation grandit rapidement et nombre d'acteurs célèbres se joignirent à la troupe l'un après l'autre. Dès lors, les villages voisins commencèrent à inviter fréquemment la troupe pour des spectacles. Pendant l'année 1918, avant la fête du printemps, la troupe de YiShengHui reçut une invitation du village de XinDian (ÐÁµê). Pendant la performance d'une actrice, quelques brutes locales essayèrent de lui voler ses chaussures et commencèrent à l'insulter tout en la poussant hors de la scène avec des bâtons en bambou. Puis ils commencèrent à jeter des briques et des tuiles sur la scène, de sorte que les acteurs de la troupe sortirent leurs armes et se préparèrent à combattre. Wu HuiQing, craignant qu'il y ait des blessés, se mit à crier avec sa voix féroce, sauta de la scène et se rua sur les provocateurs. C'est à ce moment qu'un expert célèbre de PiGua Quan du village de XinDian, appelé Gao FuAn (高福安), ayant évalué la situation, alla parler à Wu HuiQing afin de le persuader de ne pas aller plus loin, tout en blâmant vertement les fauteurs de troubles. Tout de suite après les faits, les aînés du village s’empressèrent de venir faire des excuses formelles à Wu HuiQing, évitant ainsi un combat sur le point d'éclater. Après ce règlement honorable de l'affaire, Wu HuiQing et Gao FuAn devinrent par la suite des amis inséparables.
L'héritage
Après son retour à MengCun, Wu HuiQing se consacra à l'enseignement et la diffusion du Baji Quan. Wu HuiQing rompit avec le concept traditionnel d'enseigner les formes mais pas la théorie" (教拳不授拳理). Quand il enseignait, il faisait attention à enseigner aussi bien la théorie que les applications pratiques du BajiQuan. En décembre 1924, le manuel martial "WuShu" écrit par WuYing, et jusqu'alors transmis de génération en génération, fût complètement détruit dans le tumulte de la deuxième guerre de Zhili-FengTian. C'est ainsi qu'en 1927, Wu HuiQing commença à écrire une nouvelle version du manuel du Baji Quan de famille Wu avec l'aide de son neveu Qiang RuiQing (强瑞清). Pendant 3 ans, Wu HuiQing et Qiang RuiQing voyagèrent à dos une mule dans les villages voisins pour rassembler des données historiques et les noms des disciples de chaque sous-famille du Baji Quan. Le 1er mois de la 25ème année de la république chinoise (c.-à-d. en 1936), Wu HuiQing acheva le manuel afin de permettre aux générations nouvelles de garder une trace des données historiques et culturelles. A partir du manuscrit original écrit à la main, 10 copies furent imprimées par lithographie et le manuel fût édité sous le nom de "Les secrets du Kai Men Baji Quan de la famille de Wu" (吴氏开门八极拳秘诀之谱). Malheureusement, le manuel original fût volé dans la maison de la famille Wu pendant la révolution culturelle, et seulement 3 ou 4 copies du manuel ont survécu jusqu'à aujourd'hui. En 1986, le manuel a été complété et republié par Wu LianZhi, et une nouvelle édition vient d’être publiée en septembre 2010.
En 1955, le comté autonome Hui de MengCun fût établi, et Wu HuiQing fût élu comme représentant du comté au congrès du peuple. Wu HuiQing mourut le 12 février 1958. Après un dîner opulent, il se réveilla au milieu de la nuit. Se sentant faible, il comprit que sa dernière heure était proche. Il décida alors de se placer dans une position plus respectable. Il fut ainsi trouvé mort par ses membres de la famille, assit sur le lit dans une posture droite et fière, comme il avait toujours été durant toute sa vie…